Nuit d’Edgard Hilsenrath c’est une couverture en carton dessinée par Mercredi Adams et un titre de docu Arte sur la Shoah (spéciale dédicaces aux plus intelligents d’entre vous – ceux qui sont allés jusqu’en Terminale qui se rappelleront de Nuit et Brouillard, un classique en noir et blanc featuring les cadavres d’Auschwitz et des chars en provenance directe du front de l’Est). C’est aussi un carton plein chez les critiques et à peu près tous les bloggeurs qui détiennent une licence de Lettres Modernes ou d’Histoire Schleue du XXe siècle. Bref c’est chaud de pas trouver le bouquin « ahurissant de génie » sans passer pour un analphabète fasciste.
De quoi ça parle exactement à part de la vie dans un ghetto
Alors clairement, ça parle que de la vie dans un ghetto, vous êtes prévenus. Edgar Hilsenrath est un vieux gars d’environ 102 ans, je n’ai pas wikipédié mais ça doit pas être loin, rescapé de la Shoah alors il a deux trois traumas à évacuer, et bim ça fait Nuit (mais pas que). Attention c’est pas autobiographique ça parle de Ranek (il a un vieux nom c’est parce qu’il est polonais, on se met dans l’ambiance tout de suite). Ranek il est juif, on est en 1941 et il chille tranquilou à Prokov, un ghetto roumain inventé mais bon tu vois où on veut en venir surtout si t’as ton brevet des collages. Ranek donc il est dans le ghetto avec des tas d’autres juifs et c’est grave la lutte pour la vie. Tu vois Jakob le menteur ? C’est un livre où en gros Jakob, qui est aussi dans un ghetto en Pologne, invente des histoires d’actualités radiophoniques pour remonter le moral à ses potos de chambrée, parce que l’amitié, parce que l’héroïsme, parce que la solidarité, voilà. Nuit et Jakob le Menteur, c’est plutôt deux salles deux ambiances. Chez Hilsenrath on arrache les plombages des cadavres pour les échanger contre de la soupe aux épluchures de patates, on se prostitue dans des caves, on rackette des enfants, on crève du typhus sur le palier du squatt, on traine ses hémorroïdes au marché noir, on bouffe du chien, on avorte à l’aiguille à tricoter et le délire dure six cent pages.
Pourquoi tout le monde il a bien aimé
Alors spoiler alert au dos du bouquin ça disait comme quoi c’était vraiment un sacré de chef d’oeuvre yet another one sur les choses de la Shoah, censuré pendant des tas d’années en Allemagne. J’avoue Hilsenrath a plutôt bien géré son affaire, le genre de truc qui fait un carton plein chez les critiques car ces gens adorent les choses de la grandiloquence, et plus globalement tous les bouquins qui « racontent l’horreur nazie » et « traduisent l’insoutenable », surtout quand il y a de la « brutalité intérieure » et que ça « a fait scandale » chez les schleus. Il y a même un bloggueur qui a écrit comme quoi il n’a « pas peur de [nous] dire que c’est un chef d’oeuvre » et qu’il « devrait figurer dans les programmes scolaires d’histoire et de littérature » – comme tu y vas, mon brave (LOL).
L’humour-et-la-Shoah-sont-ils-compatibles-vous-avez-quatre-heures
Le bac de philo approche, je vous propose un plan en trois parties deux sous-parties qui va faire bien dans les dîners en ville sans casser le cerveau à Sixtine. Grand Un : Non carrément pas, vous êtes tous des nazis, bande de sales nazis. Grand Deux : Eho si on peut plus wigoler sur les juifs bientôt on ne pourra plus toucher aux handicapés et le monde sera gouverné par Canal Plus. Grand Trois : tout compte fait, autant commencer tout de suite étant donné que Marion Maréchal Le Pen sera Premier Ministre d’ici 4 ans.
Bref, comment parler du bouquin en ayant l’air plus intelligent que les autres, c’est à dire sans répéter ce qu’ils ont dit dans Télérama
Bon on ne va pas se mentir, le bouquin a été traduit en français en 2012, c’est le gros délire – clairement c’est chaud d’aller dans des dîners en ayant juste lu 50 shades of grey et vite fait le dernier Nothomb. Mais si c’est pour se la ramener en pompant deux phrases à Télérama ça vaut pas le coup de l’ouvrir, alors voilà je suis là pour donner deux-trois tips pour avoir l’air un minimum smart.
Le truc pas mal c’est que Nuit permet de bitcher copieusement sur tous les derniers romans WW2 qu’on a dit ah trobien c’est révolutionnaire à gogo parce qu’ils arrêtaient de faire genre il y a les gentils, il y a les méchants et les petits haloufs seront bien gardés ; bah Hilsenrath en 1964, il fait quoi ? il prend le mythe de l’héroïsme dans le ghetto, bim bam boum il le retourne et il le met en boîte (de nuit)(huhuhuhu). Pas mal swag, il avait déjà calé que les juifs du ghetto avaient eu le droit d’être des sacrés enculés comme tout le monde. Bref, ça change du Pianiste et du Journal d’Anne Frank.
Après si tu veux plutôt mettre la misère à Littell en mode trente ans plus tôt Hilsenrath fait la même mais en mieux, il faut plutôt lire Le nazi et le barbier mais bon si tu l’as pas déjà fait je peux plus rien pour toi gros, Télérama est déjà passé à autre chose.
De rien.
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